Devenir biographe – Éditions de la Chronique Sociale

Un livre de Michèle Cléach et de Delphine Tranier-Brard, biographes, animatrices d'ateliers et formatrices à Aleph-Écriture.

Un livre à tiroirs, qui se lit comme une histoire et où tout est mis en partage : retours d'expérience, lectures, propositions d'écriture, témoignages de biographes en activité... Avec cette vraie générosité, cette exigence toujours et ce bel enthousiasme qui caractérise ses auteures.

Un livre foisonnant et engagé, qui donne la part belle aux écrits des autres et aux analyses de pratique. Où il est question de posture, de cadre, de déontologie et d'éthique. Où il est question d'outils : carnet de bord, entretien, transcription. Où il est question d'écriture bien sûr : structure du texte, temps de la narration, "je pour autrui"... Et de lectures, venant nourrir réflexion et action avec, en toile de fond, une incitation à se questionner sur le biographe que l'on veut être.

Un livre précieux, à conseiller sans réserve à toutes celles et ceux qui aimeraient sauter le pas de l'écriture biographique... ou qui l'ont déjà fait ! Et qui souhaitent confronter leur pratique à celles de professionnelles aguerries, ouvertes à l'échange.

Michèle Cléach et Delphine Tranier-Brard, qui furent mes formatrices en 2016/2017 dans le cadre d'un Congé Individuel de Formation "Parcours biographe" de 5 fois 3 jours à Aleph-Écriture Paris, complété par un module de 3 jours "Initiation à l'écriture autobiographique, m'ont sollicitée pour contribuer aux témoignages.

Vous retrouverez dans leur livre quelques extraits de "Baba" et de "Mademoiselle Dinet" : préface, postface... des "marques de fabrique" qui me sont propres, donnant le ton du récit (préface) et témoignant de la place que j'accorde au fait de toujours raconter la rencontre, le temps d'une brève mise en lumière de mon style (postface), différent bien-sûr de celui du "je pour autrui" du narrateur, à chaque fois singulier. Ma manière d'affirmer par petites touches mon identité d'auteure et d'installer une forme de permanence, au service de la langue des autres toujours mais également confrontée à l'inévitable subjectivité de toute collecte, de toute mémoire, de tout écrit.

Et un court texte témoignant de ma manière d'organiser mon temps (ou de tenter y parvenir !) repris ci-dessous.

A tou.te.s une bonne lecture !

 

Devenir biographe - Prêter sa plume pour écrire la vie des autres - Michèle Cléach, Delphine Tranier-Brard - Chronique Sociale - 2020

 

[ Extrait ]

" Des contraintes, une organisation.
Directrice adjointe d’une structure culturelle parapublique de 28 salariés, j’ai fait le choix de réduire mon temps de travail pour développer une activité indépendante de biographe.
La contrainte liée aux spécificités de ma double activité, qui implique de concilier des temps ayant en commun d’être très prenants et « absorbants » où je dois être pleinement présente, ouverte et disponible à l’autre, m’a amenée à repenser ma manière de procéder.
Je dissocie désormais le temps de collecte de parole du temps d’écriture, avec en général un entretien de 2 heures toutes les deux semaines sur une durée de 3 à 6 mois en fonction des projets, chaque séance intégrant la validation de la retranscription nette du précédant entretien (par nette, j’entends une retranscription déjà structurée, mettant en évidence des points saillants). Je me laisse la possibilité d’associer si besoin sur un unique entretien une tierce personne, en général en milieu ou fin de parcours, une fois la confiance installée, pour aller chercher « au plus profond » une parole que je pressens mais que je ne suis pas encore parvenue à faire s’exprimer, soit dans un domaine très particulier nécessitant une compétence technique que je n’ai pas (discussion avec un historien sur la base d’archives militaires par exemple ; rencontre avec un professionnel en activité pour évoquer un métier très technique etc.) soit en mobilisant l’un ou l’autre des membres de l’association crée au démarrage de mon projet, qui regroupe des travailleurs sociaux expérimentés, tous passionnés par les récits de vie. Cette tierce personne anime l’entretien, je suis alors en position d’écoute, d’observation, et je note les propos allant au-delà de ce que j’ai pu recueillir jusque-là.
A l’issue des entretiens, je propose un angle de narration et je valide avec la personne un « avant-propos » donnant le ton et posant l’adresse, le périmètre de la transmission et son pourquoi. Je regroupe ensuite le temps d’écriture sur une semaine, véritable plongeon dans l’univers de la personne, sa langue, son mode de pensée. Un temps très intense, souvent vertigineux, avec pour ambition de parvenir à « faire vivre » la personne, ce qu’elle est, son essence même, par-delà la narration de son parcours… ce qui suppose de s’immerger dans l’univers de l’autre, d’épouser son « je », de prendre plaisir à le faire émerger et à le retrouver au fil des pages. C’est un vrai travail d’auteur, d’où ma réflexion sur le mode de contractualisation du travail biographique.
En parallèle, je développe des propositions plus légères, de type album photos / texte ou portraits sensibles. Sur la base d’un nombre contraint de photos et en 3 heures d’entretien, je demande à la personne de m’expliquer ses choix et je vais chercher ce qu’ils révèlent de fondamental de son parcours et de sa personnalité. L’utilisation de supports (photos, objets) détourne la personne d’elle-même. C’est une autre manière de parler de soi, qui amène beaucoup de sensible, et où les personnes peuvent se dévoiler en peu de temps… « mine de rien ». Une autre façon d’écrire aussi.
A l’expérience, je mesure combien les contraintes liées à ma double activité ont enrichi ma pratique et m’ont amenée à questionner mon organisation, donc mon rapport aux autres. Je pense que je n’en changerais pas, même si j’avais le temps de me consacrer à part entière à l’écriture de récits". M.C

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