Club lecture du 22/11/2018

Retour sur la rencontre du Club lecture de l'Association À portée de mots, qui s'est tenue le jeudi 22 novembre 2018 dernier à Bordeaux autour du roman de Deon Meyer "L'année du lion" - traduit de l’afrikaans et de l’anglais par Catherine Du Toit et Marie-Caroline Aubert. Une séance riche en échanges animée par Lucienne Chibrac, en lien avec la présentation d'oeuvres du photographe sud-africain Pieter Hugo par Irène Darnau. Avec la participation exceptionnelle d'amis lecteurs lyonnais, qui ont pu nous faire partager leur connaissance de l'Afrique du Sud !

Extraits de l'intervention de Lucienne Chibrac :

« Pourquoi y a-t-il encore tant de haine dans ce pays ? Quand est-ce que l’on va avancer ? Quand est-ce qu’on aura enfin oublié la race ou la couleur, ou ce qui est arrivé dans le passé, pour s’occuper simplement de ce qui est bien ou mal ? »

Déon MEYER, écrivain sud-africain, n’a de cesse dans ses œuvres littéraires d’ausculter sans complaisance son pays, de mettre à nu les plaies non cicatrisées dont il pense qu’aujourd’hui elles sont plus encore à vif, dans un nouveau cycle de violence qui éloigne sa terre natale de l’espoir créé par l’accession au pouvoir de Mandela et par l’attente de la « fin » de l’apartheid.

Avec son dernier livre « L’Année du Lion », Déon MEYER s’éloigne de son chemin littéraire,  de ses héros habituels et de son corpus « polar », pour nous plonger dans une époque post apocalyptique.

[...]

De la survie à la vie, de la violence à l’humanité.

Le monde est ravagé par une fièvre mortelle. La quasi totalité de l’humanité succombe.  Il n’y a ni temps ni heure. Le temps est scandé par de nouvelles mesures : année du chien, des singes, année du Lion… La nature reprend ses droits lentement.

Quelques survivants tentent de reconstruire une forme de société ou plutôt des formes de sociétés, sous forme de bandes, de tribus, de communautés.

Comment réapprendre à vivre dans un monde post apocalyptique où la violence, la loi du plus fort deviennent la règle ?

La violence du monde tel qu’il est devenu après la Fièvre (titre original du livre en afrikaner) surgit dès les premières pages du roman. Un monde où les chiens sont redevenus sauvages, pires que des loups, comme une image de ce dans quoi l’humanité elle-même a plongé.

Dès les premières lignes, nous savons aussi que l’un des héros du roman – le père – va mourir. C’est son fils qui l’annonce, ce fils qui est la première voix de ce récit qui en comptera plusieurs.

La peur est au rendez-vous à chaque moment. La survie, l’héroïsme quotidien de ceux qui affrontent les dangers venant de toute part et dont  les seules protections sont : l’intuition, les  armes, le courage, la prudence ou l’inconscience, la force physique, l’endurance morale… Tous ces ingrédients se trouvent déclinés tout au long du roman sous divers épisodes et aventures.

Pour autant, il faut vivre et dépasser la survie, et Willem le père porte en lui un projet un peu fou : bâtir une cité idéale qui pourrait se construire avec des volontaires et qui expérimenterait une gouvernance utopique et égalitaire. Déon MEYER souligne que l’idée de cette cité idéale est pour lui le rêve d’une société sud africaine où n’existeraient plus ni races, ni couleurs de peau, ni classes sociales. « Repartir de zéro, construire une société où seules la volonté de participer au bien commun, la compétence apportée aux autres sont importantes et où l’on tente de construire une société moins absurde » voilà comment Déon MEYER illustre son rêve d’une société sud africaine apaisée.

Cette cité nouvelle, elle s’appellera AMANZI, ce qui signifie « eau » en langue khosa qui est la langue maternelle de Nelson MANDELA.

Beaucoup de personnages dans la cité d’Amanzi et l’auteur laisse la parole à plusieurs d’entre eux pour qu’ils donnent leur façon de voir et de comprendre ce qui se bâtit au cœur de la cité.

Cette histoire à plusieurs voix est justifiée par Déon MEYER par son désir de ne pas imposer au lecteur un seul point de vue mais de souligner combien la vie et la réalité sont complexes et peuvent être vécues et analysées de façon différente, voire divergente.

Le recueil des témoignages est lié à la volonté du père, Willem, de garder traces de la naissance et de l’évolution de la cité, montrant en quoi cet homme cultivé et utopiste gardait, malgré des temps où la vie se joue à chaque seconde, une vision à long terme de l’histoire qu’il tentait de bâtir.

L’année du Lion est un livre sur cette utopie, c’est aussi un livre sur l’exercice du pouvoir, sur le balancement permanent entre la violence nécessaire ou gratuite (la loi du plus fort, tuer pour ne pas être tuer) et une forme de démocratie tentant de dompter la force primaire, voulant s’éloigner de la loi de la jungle, au risque d’apparaître molle et faible face aux dangers qu’il faut affronter. De beaux sujets de réflexion bien actuels…

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Lire le texte complet de Lucienne Chibrac : L’ANNEE DU LION

Consulter les oeuvres du photographe sud-africain Pieter Hugo : http://www.pieterhugo.com/

 

 

 

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