Je me souviens #2
Retour sur un atelier d'écriture proposé par Isabelle Rossignol dans le cadre du module "Oser écrire" d'Aleph écriture.
La consigne : après avoir lu des textes de Joe Brainard, Georges Perec, Jean-Jacques Salgon, et listé des souvenirs en nous centrant sur des lieux précis où nous avons dormi, il nous est demandé de choisir deux souvenirs de notre liste et d'écrire pour chacun un texte de 1500 signes espaces compris maximum. Ces textes devront donner à voir et à sentir comment était ce lieu, sans entrer dans une écriture explicative et/ou introspective. Il ne s'agit pas de raconter le souvenir en lui-même mais de faire exister ce lieu...
" Nous faisons escale pour quelques nuits dans une ancienne bergerie au cœur du maquis corse. Le point d'eau le plus proche est à une heure de marche. Au loin, la ligne bleue de la mer et derrière nous une falaise abrupte. Lumière blanche et drue de l'été, azur presque mat. Il fait chaud. Le confort est rudimentaire, ici rien d'inutile. Une table, deux chaises, un petit banc. Dans un angle un sommier posé sur quatre planches épaisses dont le bois sent bon la résine. Pas un souffle d’air, pas un bruit : même les cigales sont au repos. Ouvrir un livre et tenter de s’évader de ce cagnard qui cogne et vous écrase. Paupières lourdes, regard fixe, laisser filer les pages. Sursauter au craquement sec d'un pin sous l’effet du soleil ; à la fuite d’un gecko de mur en mur ; au crissement brûlant de ses griffes égratignant les pierres. Il fait chaud. Une chaleur sauvage, de celles qui vous plaquent à même les draps et vous laissent vide de toute force, de toute envie. Une chaleur dominatrice, une chaleur abîme. Même le temps s'est arrêté. Perdre le sens des mots, celui des images. Oublier de penser. Se fondre dans le lieu et attendre immobile la fraicheur de la nuit. Espérer les brumes humides du petit matin. Rêver l'écho de notre marche dans le silence des ravins. Aimer ce désoeuvrement. Aimer être isolés de tout. Revenir à Sempé. Luxe, calme et volupté."
Luxe , calme et volupté, c’est bien cela !